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DÉPRESSION INFANTILE

Posted on September 18 2012 by Théophile Fugère in Que faire à la dépression, Les comprimés contre la dépression, Les types de stress

La dépression chez l'enfant est une souffrance fréquente, bien que souvent masquée par des troubles du comportement. Elle est donc relativement méconnue, et peu d'études lui ont été consacrées.

Abord théorique et psychopathogénique

- La position dépressive théorisée par Mélanie Klein se situe entre 6 mois et 2 ans, ce qui correspond à la perception de l'Objet total. Jusque là l'enfant était protégé par le clivage, qui est un mécanisme de défense primaire. Désormais il perçoit la globalité de l'Objet. Il cachera sa dépression derrière des tendances agressives (Les symptômes de la dépression. Lutter contre la dépression. Est-ce que le stress est une maladie).

- D'après Spitz: la dépression est consécutive à un événement extérieur, et vient donc en réaction à une séparation ou à un traumatisme. Il relève l'importance des pulsions agressives avec possibilité d'expression et d'élaboration, et la présence d'une notion de perte, de séparation.

Étude clinique

La sémiologie est variée, avec troubles de l'humeur, auto-dépréciation, comportement agressif, troubles du sommeil, modification des performances scolaires, changement d'attitude à l'école, diminution de la socialisation, plaintes somatiques, perte de l'énergie habituelle, modification de l'appétit ou du poids... etc.

L'étude de la dépression chez l'enfant pourra se faire en fonction des symptômes ou en fonction de l'âge:

•En fonction des symptômes

On observera des symptômes directement liés à la dépression, comme l'isolement, l'inhibition motrice, la tristesse, l'ennui, l'indifférence, une dévalorisation qui s'exprime par des phrases stéréotypées ("je ne sais pas"... "je n'y arriverai pas"), un ralentissement psychique, des signes physiques au niveau des conduites alimentaires comme de l'anorexie, des insomnies...

On pourra aussi noter des symptômes rattachés à la souffrance dépressive, avec par exemple une grande passivité, de la soumission, un échec scolaire, de la négligence corporelle, la tendance à perdre ses affaires, de la culpabilité, des conduites pathologiques: auto-agressivité, tentatives de suicide....

Certains symptômes surviennent en défense contre la dépression: cela pourra se voir par de la turbulence, une instabilité motrice ou psychologique, des protestations, des revendications, des manifestations agressives, des conduites délinquantes...

Enfin des équivalences psychosomatiques pourront aussi apparaître, comme de l'énurésie, de l'asthme, de l'eczéma, une prise de poids importante, de l'anorexie...

•En fonction de l'âge

De la naissance à 2 ans, la dépression est devenue rare: on observe le petit enfant prostré, abattu, le regard éteint, qui s'isole et reste indifférent à l'entourage. Le bébé n'a pas les manifestations d'éveil et de jeu propres à son âge. Il présente des mouvements de balancement, d'auto- stimulation. Les grandes acquisitions psychomotrices sont retardées, ainsi que plus tard l'acquisition du langage. Au long terme, on note une atténuation des symptômes mais la personnalité s'élaborera avec des troubles déficitaires et une évolution dysharmonique. On observera aussi de l'anorexie, des troubles du sommeil...

Entre 2 ans et 6 ans, l'enfant a déjà la parole. Les manifestations s'en trouveront plus variées. Si on observe encore des symptômes dépressifs, on aura aussi des attitudes de lutte, avec perturbation du comportement à type d'agitation, d'agressivité, d'auto-stimulation prolongée, de masturbation. Il y aura alternance de quête affective et d'attitudes de refus, de colère. Apparition des troubles de l'acquisition sociale, grande difficulté à s'autonomiser, somnolence diurne, trouble du sommeil ou de l'appétit, énurésie... L'enfant est très sensible aux séparations. Sans traitement, l'évolution va vers l'échec de la socialisation.

Pour l'enfant plus grand, entre 6 ans et 13 ans, on distinguera encore mieux les deux pôles de la symptomatologie avec d'une part les symptômes directement liés à la dépression (auto-dépréciation, souffrance morale...) et d'autre part ceux liés à la protestation et à la lutte (troubles du comportement, colère, vols, mensonges...). L'évolution se fera vers des difficultés comportementales, ou psychosomatiques.

Contexte étiopathologique

On note une grande fréquence de pertes dans l'histoire de l'enfant dépressif, soit réelle et prolongée (séparation, décès, processus de deuil répétés) d'autant plus traumatisante que l'enfant est dans une phase critique entre 6 mois et 4 ans, soit temporaire mais avec une angoisse qui persiste, soit encore purement fantasmatique. On note aussi la fréquence d'un milieu familial perturbé, avec antécédents de dépression chez les parents. Se transmet alors une frustration affective à laquelle réagit l'enfant par une dépression. La carence affective est présente chez la mère. Il pourra y avoir une sévérité éducative excessive de la part des parents.

Organisation maniaco dépressive de l'enfant

Le symptôme essentiel est une alternance rapide et brutale d'états affectifs extrêmes et opposés. Dans les antécédents familiaux on note des carences affectives massives et des ruptures répétées. L'évolution ira plutôt vers une psychose dissociative, ou parfois vers une organisation psychopathique.

Organisations dépressives

Les organisations dépressives n'occupent pas, tout au moins sur le plan phénoménologique, la même place éminente et centrale chez l'enfant que chez l'adulte. Chez l'enfant c'est en fait la structure déficitaire qui est un véritable carrefour. Certaines études récentes ont montré combien les déficits fixés sont le résultat cicatriciel d'un jeu dynamique entre psychose et névrose. Cela pourrait conduire à des hypothèses nosologiques concernant les déficits fixés: les considérer comme des organisations dépressives ou même comme l'homologue chez l'enfant des états limites étudiés chez l'adulte.

- Comme similitude on peut rapprocher le jeu entre névrose et psychose au tronc commun indifférencié. De plus on retrouve le même type de relation d'objet basé sur l'anaclitisme.

- Comme différence l'organisation déficitaire est un point d'arrivée, la fin cicatricielle et amputante d'un long processus (et non point de départ, une a-structuration susceptible de multiples devenirs).

Elle a un caractère le plus souvent définitif. Sa décompensation éventuelle ne s'effectue d'ailleurs généralement que sur le mode psychotique. De plus l'angoisse dépressive apparaît peu cliniquement chez les débiles. A moins qu'on ne considère que l'organisation déficitaire a pour fonction de contre investir massivement l'angoisse dépressive, non pas seulement en la refoulant mais en la déniant, en la rendant nulle et non avenue.

Dépressions avérées (ou syndromes dépressifs pouvant évoquer la psychose chez l'enfant)

Les dépressions de style mélancolique sont très rares chez l'enfant. Il y a bien-sur l'hospitalisme et les dépressions anaclitiques décrites par Spitz chez le très jeune enfant. D'après C. Chiland ces dépressions anaclitiques se prolongeraient chez le jeune enfant et l'écolier par des états dépressifs chroniques et d'importantes inhibitions. D'autre part certaines affections psychosomatiques gravissimes au niveau du tube digestif (perforation, rectocolite ulcéro hémorragique) pourraient être rattachées à l'incorporation d'un mauvais objet interne persécuteur. Mais l'affect dépressif en est absent ainsi que la culpabilité, la douleur morale. Cet affect dépressif existe pourtant dans une autre lignée, celle des troubles du caractère ou de l'humeur où il se résume en un sentiment assez peu exprimé de non-valeur de soi, en une absence de self-estime. En revanche certains comportements suicidaires graves, certains accidents à répétition survenant chez l'enfant très jeune peuvent être considérés comme des équivalents mélancoliques. De même certains troubles du caractère et du comportement, comme l'agitation incoercible, l'instabilité grave, l'excitation et l'exaltation de l'humeur peuvent être considérés comme des défenses maniaques. On peut les observer soit dans la petite enfance, soit au moment de la pré-adolescence et de l'adolescence. Comme l'a montré Male, à travers les changements fréquents d'objet de cette époque il y a un refus d'attachement et un mode de défense contre les fantasmes intériorisés par l'oscillation entre deux réalités (interne, externe).

Métapsychologie

Tous ces troubles que nous venons d'énumérer surviennent dans un psychisme qui en fait n'a pas toujours constitué un objet total par réunion des deux objets partiels clivés en bon et mauvais (M. Klein). C'est dire que la frontière entre structure mélancolique pure et structure dépressive est difficile à repérer chez l'enfant. Ces organisations souffrent toutes d'une faille narcissique avec une traduction dans et par le corps beaucoup plus multiforme que dans la mélancolie. Dans les cas typiques il y a à la fois déception par l'objet, retrait de la libido sur le Soi mais aussi incorporation de cet objet. Comme l'a noté Ajuriaguerra, la dépression chez l'enfant prend très souvent une allure réactionnelle trompeuse (après deuil, séparation, mise à l'école... etc.). Cette dépression réactionnelle est trompeuse parce qu'elle renvoie en fait à une perte d'objet bien antérieure. Le mécanisme essentiel est un double retournement des pulsions (retournement de l'objet vers soi et de l'amour en haine), et la dé-liaison (c'est dire l'importance de l'agressivité).

Affect dépressif

Remarquons tout d'abord que la dépendance et l'anaclitisme sont normaux chez l'enfant (c'est à dire habituels) pour des raisons naturelles mais aussi culturelles. Les parents comblent le plus souvent leurs enfants non seulement en fonction des besoins et des demandes de l'enfant mais aussi dans un but réparateur pour éviter chez lui l'apparition de la dépression (et ce de façon très projective, pour réparer chez un autre le mal qu'ils ont cru lui faire et leur propre manque narcissique). Il suffit de voir aussi combien des parents peuvent se sentir gênés devant leur enfant dès qu'il s'agit du problème de la mort. Mais cette angoisse de mort refoulée et déniée renvoie en fait, comme l'a noté Freud à l'angoisse de castration des parents et des enfants. L'affect dépressif a donc sa place, même masquée, dans la névrose infantile, qu'elle disparaisse comme elle le fait normalement ou qu'elle se structure au moment de la latence. L'affect dépressif semble en fait avoir deux rôles chez l'enfant névrosé. On le considère en effet soit comme le résultat ou le témoin du travail d'élaboration de l'angoisse phallique et de l'angoisse de castration, soit comme le signe de l'échec de cette élaboration. On assiste à un début de dé-liaison et à un début d'affaiblissement des images objectales, c'est en particulier le cas où le refoulement secondaire des représentations échoue chez l'hystérique (Que faire à la dépression. Clique ici. Les types de stress).

Abord thérapeutique

En prévention, il faut aider les parents à éviter les ruptures. L'approche thérapeutique concernera l'enfant et l'environnement. Ce pourra être une approche relationnelle, ou médicamenteuse si la relation est impossible (par exemple par antidépresseurs tricycliques. Le Lithium donne peu de résultats).

Dans le traitement incluant la mère et l'enfant, proposer les psychodrames, l'analyse, la thérapie familiale...

L'intervention doit essayer de restaurer le lien défaillant entre la mère et son enfant. Si la famille est absente, il faudra instaurer un nouveau nid familial.